Il y a 32 ans, l’Allemagne de l’Ouest et l’Allemagne de l’Est se réunifiaient, brisant ainsi le rideau de fer et signant la disparition de la RDA. Si ce jour marque un important bouleversement pour l’Allemagne, c’est également le cas pour le reste du monde. Chaque année, toute l’Allemagne fête cet événement le 3 octobre, date officielle de la fête nationale appelée « Tag der Deutschen Einheit ». Mais comment cette Unité allemande a-t-elle pu se réaliser ? D’où vient la fête nationale allemande ? Passons en revue les faits historiques qui ont mis fin à 45 ans de séparation.
La chute du Mur de Berlin
En réalité, le jour de l’Unité allemande n’a pu se réaliser qu’à la suite d’un long processus de réunification. En 1989, l’Allemagne est divisée. L’Allemagne de l’Ouest, dite RFA, est dirigée par le chancelier Helmut Kohl, membre du parti CDU. Depuis son arrivée à la Chancellerie en 1982, il poursuit l’objectif de réunifier l’Allemagne. Quant à l’Allemagne de l’Est, appelée RDA, elle se trouve sous la direction d’un seul et même parti depuis sa formation après la Seconde Guerre mondiale : le SED, dont l’idéologie s’appuie sur le communisme alors pratiqué en URSS. Concrètement, les citoyens de la RDA n’ont alors jamais bénéficié d’élections libres et n’ont jamais pu exprimer leur choix entre plusieurs partis. Le pays souffre de nombreuses dettes et d’interminables pénuries, la surveillance de l’État se fait de plus en plus forte par l’intermédiaire de la Stasi (Staatssicherheit). Lassés de vivre dans ces conditions, les Allemands de l’Est commencent à descendre dans la rue afin de manifester pacifiquement. Bien entendu, ces manifestations sont sévèrement réprimées, mais sans succès : les dites Montagsdemonstrationen prennent de l’importance, des centaines de milliers de personnes réclament leur droit à la liberté de circuler, de se rassembler, de participer à des élections libres et équitables. Ils scandent le célèbre slogan wir sind das Volk (« nous sommes le peuple »). Au fil du temps, ce slogan devient en réalité wir sind ein Volk (« nous sommes un peuple »), une formulation qui annonce clairement la volonté de vivre dans une Allemagne unie.
Le 9 novembre 1989, ces efforts payent enfin : le SED adopte une nouvelle disposition permettant aux citoyens est-allemands de voyager sans retenue au-delà des frontières de la RDA, et donc, de rejoindre l’ouest du pays sans devoir risquer leur vie. Si le SED reste très discret par rapport à cette décision, les médias ouest-allemands diffusent l’information à l’envi. Des milliers d’Allemands de l’Est se rassemblent aux postes frontières et forcent littéralement le passage à travers le Mur de Berlin, qui a perdu tout son pouvoir et sa signification.
Si la chute du Mur a grandement accéléré le processus de réunification, tout n’était pas encore joué. En effet, en 1989, il reste encore de nombreux obstacles à surmonter. La plus grande difficulté s’avère alors de convaincre les vainqueurs de la Seconde Guerre mondiale qu’une Allemagne réunifiée et puissante ne représentera plus aucun danger en Europe. L’URSS, qui occupe militairement la RDA, n’est pas prête à s’en séparer, ni à accepter que l’Allemagne réunifiée fasse partie de l’OTAN.
Mais les choses bougent. En mars 1990, les premières élections libres de RDA ont enfin lieu et permettent de reléguer l’éternel SED au troisième plan. La CDU arrive en tête des suffrages et avec elle, une tout autre idéologie voit le jour en Allemagne de l’Est. En mai, une union monétaire entre les deux Allemagnes est mise en place, instaurant ainsi le D-Mark comme monnaie unique à l’Ouest comme à l’Est. Au même moment commencent des négociations entre les quatre vainqueurs de la Seconde Guerre mondiale et les deux Allemagnes : ces pourparlers sont appelés Zwei-plus-Vier Gespräche, « négociations deux plus quatre », faisant par-là référence au nombre de pays participants.
Le Miracle du Caucase
En parallèle, les choses évoluent aussi en URSS grâce au Secrétaire général Mikhaïl Gorbatchev, l’ultime dirigeant du pays, qui instaure les célèbres notions de glasnost et perestroïka. Ces dernières sous-entendent des réformes concrètes en faveur de la liberté et de la transparence de l’État, ainsi que davantage d’ouverture en matière de politique extérieure. Gorbatchev entretient des relations cordiales avec Helmut Kohl et soutient partiellement son projet de réunifier l’Allemagne, bien qu’il exprime encore des réserves quant à la future appartenance militaire de l’Allemagne. En plus des négociations 2+4, les deux hommes se rencontrent dans le Caucase en juillet 1990. C’est lors de ces pourparlers que Mikhaïl Gorbatchev donne officiellement son feu vert à la réunification, contre toute attente. Cet événement a d’ailleurs été qualifié de « Miracle du Caucase », puisqu’il a fait disparaître le dernier obstacle à l’Unité allemande.
Ainsi, en août 1990, le Einigungsvertrag (« traité d’unification ») est signé entre les dirigeants des deux Allemagnes. Son entrée en vigueur effective et officielle est fixée au 3 octobre 1990, jour où l’Unité allemande est devenue réalité sur tous les plans.
Comment fête-t-on le jour de l’Unité allemande ?
En Allemagne, le jour de l’Unité allemande est le seul jour férié imposé par l’État fédéral : tous les autres sont régis par les Länder. Malgré son importance, le 3 octobre n’a pas été directement choisi en tant que fête nationale officielle. En réalité, c’était à l’origine le 9 novembre, date de la chute du Mur de Berlin, qui devait endosser ce rôle. Malheureusement, cette date faisait écho à plusieurs épisodes malheureux de l’histoire de l’Allemagne : à la fois la chute de l’Empire le 9 novembre 1918, mais surtout la Nuit de Cristal entre le 9 et le 10 novembre 1938, durant laquelle eut lieu un terrible pogrom envers les Juifs, leurs lieux de cultes, leurs maisons et leurs commerces. La date du 3 octobre s’est dès lors imposée en tant que solution idéale.
La fête nationale est célébrée officiellement chaque année et rencontre toujours un franc succès : des milliers de personnes se rassemblent afin de commémorer cet événement. Cela dit, la manière de célébrer cette fête nationale et sa signification ne sont pas comparables, par exemple, aux festivités du 14 juillet en France ou celles du 4 juillet aux États-Unis. En effet, il ne s’agit pas ici de mettre en avant la fierté nationale, il ne s’agit pas non plus de réellement “faire la fête” avec feux d’artifice à la clé. Les festivités organisées sont plutôt culturelles : des concerts en plein air, des expositions, diverses tables rondes où l’on peut débattre… Il s’agit ici plutôt d’une commémoration et d’un rassemblement au nom de la liberté et la démocratie.
Cette célébration officielle n’a pas toujours lieu à Berlin. En réalité, elle se déroule chaque année dans une ville différente ! Il s’agit à chaque fois de la capitale du Land qui occupe la présidence du Bundesrat. En 2022, il s’agissait d’Erfurt. En 2023, c’est la ville d’Hambourg qui accueillera les festivités pour les 33 ans de la réunification allemande.
Bien sûr, il existe encore aujourd’hui des traces de ces 45 ans de séparation sous forme de petites différences entre l’Ouest et l’Est de l’Allemagne. Mais le Jour de l’Unité allemande permet avant tout de célébrer leurs similitudes, ce qui les rassemble. Le « Tag der Deutschen Einheit » revêt donc une importance très symbolique et célèbre à la fois le passé et l’avenir de l’Allemagne en tant que pays unifié.